Envy, Regard, Desolation

Chateaubriand, Voyage from Paris to Jerusalem (1):

It had been one hour since nightfall when we began to consider returning to Athens. The sky shone with stars, the air with a sweetness, a clearness, and a purity which were incomparable. Our horses went with small steps, and we fell to silence. The path which we were going along was likely the ancient path of the Academy, bordered by the tombs of the citizens who died for their country and the greatest men of Greece. There lay Thrasybulus, Pericles, Chabrias, Timotheus, Harmodius, and Aristogeiton. It was a noble idea to gather in one field the ash of those famous people who lived in different ages and who, as members of one illustrious family long disperses, came finally to rest in the bosom of their communal mother. What variety of genius, of greatness, of courage! What diversity of habits and virtues one could perceive there with one glance of the eye! And these virtues tempered by death, like those noble wines which one mixes, as Plato says, with a sober divinity, do not offend the sensibilities of the living. The passerby who read on one funeral column these simple words:

Pericles, from the tribe of Acamantis, from the deme of Cholargos

felt nothing more than admiration without envy. Cicero represents to us Atticus wandering among these tombs, seized by a holy regard for these august ashes. It is no longer possible for us to make the same scene. The tombs are destroyed. The illustrious dead whom the Athenians placed by their city like outposts were not raised to defend them. They suffered the Tartars trampling them underfoot. ‘The times, violence, and the plough,’ says Chandler, ‘have leveled it all.’ The plough is too much there. And this remark which I make paints a better picture of Greece’s desolation than do the reflections which I could yield myself to.

Il y avait déjà une heure qu’il faisait nuit quand nous songeâmes à retourner à Athènes : le ciel était brillant d’étoiles, et l’air d’une douceur, d’une transparence et d’une pureté incomparables ; nos chevaux allaient au petit pas, et nous étions tombés dans le silence. Le chemin que nous parcourions était vraisemblablement l’ancien chemin de l’Académie, que bordaient les tombeaux des citoyens morts pour la patrie et ceux des plus grands hommes de la Grèce : là reposaient Thrasybule, Périclès, Chabrias, Timothée, Harmodius et Aristogiton. Ce fut une noble idée de rassembler dans un même champ la cendre de ces personnages fameux qui vécurent dans différents siècles, et qui, comme les membres d’une famille illustre longtemps dispersée, étaient venus se reposer au giron de leur mère commune. Quelle variété de génie, de grandeur et de courage ! Quelle diversité de mœurs et de vertus on apercevait là d’un coup d’œil ! Et ces vertus tempérées par la mort, comme ces vins généreux que l’on mêle, dit Platon, avec une divinité sobre, n’offusquaient plus les regards des vivants. Le passant qui lisait sur une colonne funèbre ces simples mots :

Périclès de la tribu acamantide,
du bourg de Cholargue,

n’éprouvait plus que de l’admiration sans envie. Cicéron nous représente Atticus errant au milieu de ces tombeaux et saisi d’un saint respect à la vue de ces augustes cendres. Il ne pourrait plus aujourd’hui nous faire la même peinture : les tombeaux sont détruits. Les illustres morts que les Athéniens avaient placés hors de leur ville, comme aux avant-postes, ne se sont point levés pour la défendre ; ils ont souffert que des Tartares la foulassent aux pieds. ” Le temps, la violence et la charrue, dit Chandler, ont tout nivelé. ” La charrue est de trop ici ; et cette remarque que je fais peint mieux la désolation de la Grèce que les réflexions auxquelles je pourrais me livrer.

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